D’abord il y eut les Prismacolor sur cartons de chemise. Puis une foison de lignes, et de formes sur feuilles 8 1/2 x 11 lignées et trouées, cela valait mieux que de sécher les cours dans cette école mal adaptée aux garçons énergiques et créatifs. Le rebel nait. Puis, le collège: dessins, gouaches, sérigraphie, journaux clandestins et affiches pour les activités culturelles locales. Le rebel s’exprime timidement. 

Il fait le choix en toute candeur de canaliser sa rébellion pour gagner sa vie, participer au monde, avoir un impact: on est en 1970, syndicalisme, négociations collectives nationales. Le rebel est en action, jusqu’à l’épuisement peut-être. Alors, il revient à la table à dessin : encre de chine sur papier. Une exposition de groupe et une autre en duo au musée régional. Un succès d’estime. 

Nouveau choix, poser la plume et redémarrer la machine ressourcée. Canaliser à nouveau sa rébellion. Être avocat. Exprimer, argumenter, défendre, se battre jour après jour, jusqu’à moins envie. Il ralentit le rythme. Il laisse à d’autres la bagarre, mais les coordonne, les supporte, et passe le flambeau de la lutte.

En fin de carrière, il enseigne au niveau universitaire: le droit du travail, la négociation collective. 

Le temps est aussi venu de faire mieux et plus beau. Le rebel devient plus contemplatif, mais veut continuer de s’exprimer. D’abord se donner une formation à l’École des beaux-arts de Montréal avec le maitre Nikolaï Kupriacov (plus de 18 mois) et très brièvement au Musée des beaux-arts de Montréal avec Maitre Pijet. Ajouter à l’encre de chine la couleur par le feutre d’art fin. Marcher avec les Urban sketchers de Montréal dans les pas de Duncan pour poursuivre sa recherche.

Le rebel en est là, toujours un peu de travers. Ce qu’il présente est le fruit du chemin parcouru… lorsqu’on canalise sa rébellion… 

 

En ai-je une? On dit qu’il est toujours difficile le la décrire, de la rédiger. Ce doit être ça la réponse à ma question, une simple difficulté de rédaction. J’aime un certain beau. Je veux en produire. On me dit souvent en regardant ma production que ça l’est, beau, cela me réjouit! 

On me dit toujours aussi : quels détails! Quelle précision! Tu dois y mettre beaucoup de temps. Combien? Les premières fois cela m’a surpris et m'a plu! Cela se voyait… pourtant moi je croyais mes images imprécises. Je me reprochais tout le temps consacré à tracer si malhabilement et approximativement ces lignes pour en arriver à des images qui évoquent plus qu’elles ne reproduisent. Les hyperréalistes sont plus patients, plus exacts, ils reproduisent tellement mieux me disais-je. 

Moi je rappelle, je crée l’illusion de la chose. Je crée si possible un joli petit monde, coloré, vivant, et en mouvement, mais pas dans le vaporeux, le flou, ni l’évanescent. Tiens peut-être est-ce là une autre partie de la réponse. Pas la réalité, mais plutôt l’illusion. Pour le faire clairement, avec précision il en faut des lignes, des points. L’illusion demande qu’on y travaille, qu’on y mette du temps, de l’énergie… l’effort. Pour organiser la spontanéité… Paradoxe? 

Tes dessins te sont une forme de méditation m’a-t-on dit un jour. Hmmmm? Genre. Être au travail, concentré et attentif des heures durant. Du soleil du jour au bleuté de l’aube. Je suis dans le «flow» dit-on en matière de sports et de travail, ce serait plus exact. Lorsque la personne est entièrement consacrée à sa tâche. Lorsque cette dernière exige le meilleur d'elle, ni plus, ni moins. Lorsqu’elle  réussit et qu’elle se sent bien… tellement présente à elle et absente au reste du monde. 
Quitter temporairement la planète. Pas d’avant, pas d’après. Être dans le moment présent, le vrai, pour y refaire le monde. Mon monde. Un autre monde. Plus joli simplement. Être bien en le faisant et partager ce bienêtre avec qui prend le temps de regarder le fruit de l’effort qui le fait naitre. Cela est bien. Cela est une démarche... artistique, pour sur.