Nathalie Migneault, native de Baie-Comeau, quitte la Côte-Nord du Québec en 1991 pour parcourir le Canada et au-delà de ses frontières. De retour au Québec en 2002, elle s’établit en Montérégie. Malgré ses nombreux déplacements, ses pinceaux, ses tubes de pigment ainsi que la nombreuse correspondance entretenue avec sa grand-mère sur une période de plus de vingt-cinq ans l’ont toujours suivie. 

Sa pratique prend racine dans le besoin de contribuer au rôle  mémoriel à la sauvegarde du patrimoine culturel familial, et singulièrement commun aux gens de diverses générations. Les œuvres sous forme d’assemblages proposent une chorégraphie picturale d’objets ordinaires et banals  défiant le potentiel de rendre visible l’audible. Ses créations, telle une gestuelle du non-dit, vibrent de son éloquence. Empilés, percés, découpés, fixés en rang, en colonnes et en répétition, des tubes, bâtonnets, lettres, papiers et cartons superposés, collés ou peints sont identifiables. La matière qui est en soi silencieuse est mise en scène afin de multiplier le potentiel communicatif artistique et visuel. 

 

«Comme le coup de foudre amoureux pulvérise les clichés, l’inspiration réveille les sens et la mémoire d’une autre dimension.»

Par ma pratique j’explore l’intersection entre le langage verbalisé qui demeure silencieux et l’extravagance du corps qui s’acharne à discourir. Pour moi la peinture dépasse l’expérience strictement visuelle. Elle aspire à l’expérience globale et fait appel à tous les sens. L’ouïe, me pose plus sérieusement problème, car la peinture est en soi silencieuse. Il y a donc là un besoin d’éclatement, d’exubérance et de flamboyance qui se manifeste par l’emploi de couleurs pures et lumineuses. J’ajoute à l’encre les courbes d’écriture dont j’ai courtisé les mots provenant d’une correspondance familiale qui m’interpelle profondément. Au-delà de la peinture j’apprivoise le collage, l’assemblage jusqu’à l’installation dans une notion de représentation du son. Recourant à des matériaux recyclés, choisis pour leurs qualités de longévité, de servitude, d’origine, de filiation et surtout de leur charge émotive et symbolique. Je me laisse habiter, j’observe, j’écoute ces objets. J’ausculte leurs formes afin de les ordonner sur un substrat en un message qui correspond le plus à ce qu’ils m’ont révélé. Le concept met en lumière la mécanique d’enregistrement et de décodage d’un message. Je m’interroge sur le processus de ce que l’on retient d’un échange. Cette discipline complexe agit tel un interrupteur sur l’intensité des émotions en une tentative de rendre visible l’audible. La solitude inquiétante du message non entendu me pousse à contrer l’isolement et à vaincre l’oppression par une vitalité authentique et sans concession. L’art appelle la question et je poursuis vivement mon questionnement.